De : Services publics et Approvisionnement Canada
La restauration naturelle est une technologie de réhabilitation qui fait appel à des processus naturels pour réduire à un niveau acceptable au bout d’une période donnée les risques auxquels sont soumis les récepteurs aux endroits où les sédiments sont contaminés. Ces processus renvoient à une gamme de mécanismes physiques, chimiques et biologiques se produisant naturellement, sans intervention humaine. Les quatre principaux modes de restauration naturelle sont la transformation chimique, l’isolation physique, la réduction de la biodisponibilité et la dispersion des contaminants. La restauration naturelle sera couronnée de succès si elle élimine les voies d’exposition grâce à l’un ou l’autre de ces modes.
Le rétablissement naturel assisté est une forme de restauration naturelle dans laquelle on ajoute des substances ou des amendements pour encourager cette dernière (par exemple un recouvrement en couche mince ou l’ajout de carbone). Il est également essentiel de conserver la maîtrise des sources de contamination pour assurer l’efficacité des processus de rétablissement.
La restauration naturelle fait partie des démarches les plus courantes pour la réhabilitation des sédiments contaminés et est souvent utilisée avec d’autres méthodes d’assainissement. On la considère comme étant une approche in situ passive, car elle repose sur des processus naturels (non stimulés et non accélérés) pour réduire la toxicité des sédiments. On doit exercer une surveillance dans le but de vérifier si les processus fonctionnent comme prévu et réduisent les risques à un niveau acceptable après une période donnée.
Les processus naturels ne réduisent pas tous les risques pour la santé humaine et celle de l’environnement; certains les augmentent et d’autres les transfèrent à d’autres sites ou récepteurs. C’est pourquoi, avant de lancer un projet de restauration naturelle, il est essentiel de déterminer et d’évaluer les processus qui contribueront à réduire le risque au site. Comme mécanismes de base pour la restauration naturelle, on préférera généralement les processus qui réduisent la toxicité par transformation chimique ou la biodisponibilité par une adsorption rehaussée. Reconnaissons néanmoins qu’il est difficile de convertir ou de détruire des contaminants très stables résidant dans des sédiments. Dans une situation de ce genre, le rétablissement et la réduction des risques passeront généralement par l’isolation physique par rapport à la sédimentation naturelle, c’est-à-dire par le rétablissement naturel assisté. La dispersion est un processus de restauration naturelle peu recommandé. Si elle réduit effectivement le risque dans le lieu d’origine des sédiments contaminés, elle accroît généralement l’exposition en aval et peut rendre la situation inacceptable.
La restauration naturelle n’est pas synonyme de « laisser-faire », c’est-à-dire de laisser la situation s’améliorer d’elle-même. Bien qu’elle soit fondée sur l’action de processus naturels qui n’exigent généralement pas d’investissement dans des coûts de construction, la caractérisation et la surveillance des sites où on y a recours réclament des efforts considérables à long terme et les frais connexes pourraient parfois être supérieurs à ceux du rétablissement ou du dragage in situ. La mise en œuvre de la restauration naturelle exige une caractérisation détaillée du site, une analyse exhaustive des risques et une modélisation prédictive du rétablissement des écosystèmes. Il faut aussi planifier et cibler la surveillance afin de démontrer que l’on maîtrise les sources de contaminants, que l’on a repéré les processus naturels dans le site et que l’on a établi les objectifs et l’échéancier d’assainissement, afin de confirmer que les processus naturels se déroulent comme il se doit et contribuent à la réduction des risques au fil du temps.
ITRC (Interstate Technology & Regulatory Council) 2014, Élimination de sédiments contaminés; méthodes disponibles.
ESTCP (Environmental Security Technology Certification Program) 2009, Guide technique pour la restauration naturelle de sites où les sédiments sont contaminés.
RTDF (Remediation Technologies Innovation Forum) 2006, Approche basée sur les faits pour l’évaluation de la restauration naturelle.
U.S. EPA (United States Environmental Protection Agency) Clu-In 2016, Renseignements sur la dépollution de sites contaminés : assainissement des sédiments, restauration naturelle.
On ne devrait choisir la restauration naturelle que s’il a été démontré que des processus naturels se produisent et qu’ils réduiront les risques à un niveau acceptable au bout d’une période raisonnable, ce que l’on peut déterminer par une évaluation du site, une intervention des instances réglementaires et une mobilisation des intervenants. Avant de choisir cette méthode de gestion du site, le gestionnaire doit être en mesure de répondre, à tout le moins, aux trois questions suivantes :
Le processus de restauration naturelle peut comprendre la maîtrise des sources, l’élaboration d’un modèle de site conceptuel, le suivi à long terme et le rétablissement naturel assisté.
Avant de lancer un projet de restauration naturelle, il est essentiel que la source de la contamination soit maîtrisée et qu’il n’y ait pas ou peu de libération supplémentaire de contaminants dans l’environnement. Toutes les approches de restauration partagent l’objectif de maîtrise de la source, mais celle-ci gagne en importance dans la restauration naturelle en raison du faible rythme de rétablissement environnemental.
Un modèle de site conceptuel est nécessaire pour démontrer comment les certains processus naturels convergent et interagissent afin de réduire les risques associés à la contamination d’un site. Ce modèle constitue la base de l’évaluation des processus naturels pendant la conception d’un plan de mesures d’assainissement et durant sa mise en œuvre. Il illustre la relation entre les processus de rétablissement naturel et la réduction des risques pour les récepteurs écologiques et de la santé humaine. Le modèle de site conceptuel doit comprendre ce qui suit :
Avec ce modèle, on comprend mieux les voies d’exposition par lesquelles les contaminants entrent en contact avec les récepteurs humains et écologiques. Le modèle aidera les gestionnaires de site à bien distinguer les voies d’exposition importantes de celles qui sont négligeables. Il met également au jour les lacunes de données exigeant des études supplémentaires.
La caractérisation et la surveillance du site sont des facteurs cruciaux dans l’étude de la faisabilité du recours à la restauration naturelle; ces tâches peuvent alors être plus exigeantes si l’on compare aux sites utilisant d’autres méthodes. On plaidera en faveur de la restauration naturelle après avoir réalisé des analyses rigoureuses (recensions documentaires, études de laboratoires et sur le terrain, essais sur modèles hydrodynamiques, etc.) permettant de cerner le rôle des processus naturels dans la réduction des risques. Parmi les indicateurs éventuels d’une restauration naturelle au site figurent des observations de réductions à long terme des concentrations de contaminants 1) dans les organismes de niveau trophique supérieur et 2) dans la colonne d’eau. On pourrait aussi avoir recours aux données tirées de carottes de sédiments, dans le but de démontrer une diminution des concentrations de contaminants au fil du temps.
La surveillance doit viser avant tout à confirmer que la source est contrôlée, à cerner les processus naturels ayant un effet sur les contaminants (par exemple la sédimentation), à fixer des attentes en matière de rétablissement et à confirmer que les processus naturels continuent de réduire le risque au fil du temps, comme prévu.
Si l’atténuation naturelle se fait à un rythme si lent que la restauration naturelle ne peut être considérée comme une technique possible d’assainissement, il est possible d’accélérer ce rythme grâce au rétablissement naturel assisté. Celui-ci consiste à étendre une couche mince (entre 10 et 20 cm) de sédiments propres par-dessus les sédiments contaminés afin de réduire l’exposition des organismes benthiques à ceux-ci et de diluer le taux de concentration par l’ajout de matières propres.
Cette mince couche de sédiments propres est l’équivalent d’un recouvrement. On peut aussi intégrer des amendements (nutriments, charbon actif, etc.) aux sédiments propres pour stimuler leurs fonctions d’assainissement. On trouvera des précisions supplémentaires sur le recouvrement et sur l’ajout d’amendements dans la fiche d’information Recouvrement – Sédiments.
On n’a besoin d’aucun équipement ou matériau pour une restauration naturelle réussie; toutefois, avec le rétablissement naturel assisté, il faut stocker des sédiments propres et des amendements et il peut falloir utiliser un équipement spécialisé pour le transport et l’application. Les sédiments à intégrer dans un projet d’assainissement doivent être stockés en tas et recouverts. De cette façon, on réduit la poussière et on empêche l’eau de pluie d’éroder le matériau et de le transporter dans l’environnement pour lequel il est destiné et dans les eaux de surface adjacentes. On peut intégrer des amendements dans la conception d’un processus de rétablissement naturel assisté afin de l’améliorer, tout comme dans le cas d’un recouvrement modifié (se reporter à Recouvrement – Sédiments). À la liste des amendements courants figurent le charbon actif, l’apatite, l’argile organophilique et les nutriments. Lorsque l’on intègre des amendements dans un projet de rétablissement naturel assisté, il est possible de stocker les matéria
Remarques :
Les recommandations d’analyses, d’essais et de caractérisation varient selon la méthode de rétablissement employée au site : transformation chimique, isolation physique, réduction de la biodisponibilité et de la mobilité et, le cas échéant, dispersion. Il ne sera pas nécessaire d’exécuter toutes les analyses à chaque site. Pour en savoir plus au sujet des analyses, des essais et de la caractérisation, se reporter à ESTCP (2009).
La restauration naturelle ne peut être appliquée que dans les conditions suivantes :
La restauration naturelle est la méthode recommandée dans les situations suivantes :
La restauration naturelle compte sur les processus de sédimentation et de dégradation chimique et biologique qui se produisent naturellement. La sédimentation et la dégradation chimique se déroulent à des rythmes relativement similaires dans les environnements nordiques et les environnements tempérés. Il a toutefois été montré que la dégradation biologique se fait à un rythme beaucoup plus lent. La restauration naturelle se réalise facilement quand les conditions propres au site le permettent; elle convient particulièrement bien aux endroits isolés ou situés dans le Nord. Elle demande peu d’équipement, mais un solide suivi à long terme. L’accès au site et le transport du personnel assurant le suivi régulier pourraient être la plus importante contrainte logistique et financière.
Pour limiter les risques pour la santé humaine pendant la période de récupération, des mesures de contrôle institutionnelles, comme les restrictions à la navigation et un moratoire sur la pêche, sont nécessaires et doivent être maintenues en vigueur plus longtemps que pour les méthodes de rétablissement. Ces mesures peuvent exercer des effets négatifs là où les collectivités locales comptent sur la pêche pour combler une partie importante de leurs besoins nutritionnels et pour l’exportation. Les collectivités isolées pourraient être plus vulnérables que celles qui jouissent d’un climat tempéré. On recommande d’effectuer une évaluation des risques qui tiendra compte du mode de vie, de la culture et des systèmes écologiques particuliers au Nord.
Les technologies d’assainissement plus actives (dragage, excavation, recouvrement et mise en dépôt aquatique confiné) sont souvent trop onéreuses dans les environnements du Nord, tandis que, pour la population, la restauration naturelle pourrait être synonyme de « politique du laisser-faire ». Les inquiétudes que suscite une approche passive au sein des collectivités et la nécessité éventuelle d’avis en matière de consommation à long terme de poisson sont des facteurs à considérer lors du choix de la mesure corrective et de l’évaluation des risques.
Remarques:
La restauration naturelle a été réalisée avec succès dans le cadre de plusieurs projets d’assainissement de sites contaminés d’ordre commercial et on peut la considérer comme étant une technologie commercialisée. Le rétablissement naturel assisté est une méthode commercialisée pour certains amendements et à l’étape des essais pour d’autres. Pour des précisions sur les amendements disponibles, se reporter à la fiche d’information Recouvrement – Sédiments.
Les restrictions concernent les contaminants exigeant la présence de processus naturels donnés (la sédimentation, par exemple) ou le recours au rétablissement naturel assisté.
Le temps nécessaire pour réduire le risque est généralement long par rapport aux autres mesures correctives possibles et il s’accompagne d’une forte incertitude. La période nécessaire pour que la restauration naturelle rétablisse un site contaminé dépend du type et de la quantité de contaminants, de la superficie et de la profondeur du site contaminé, du type de sédiments et de la condition physique du site (Declercq et al. 2012). L’assainissement d’un site au moyen de la restauration naturelle peut exiger des années, voire des décennies.
Si on atteint les objectifs d’assainissement grâce à la restauration naturelle, les considérations à long terme seront rares, sinon inexistantes, surtout si le processus se réalise par transformation chimique et réduction de la biodisponibilité des contaminants.
Il y a un risque d’exposition renouvelée là où la sédimentation a entraîné l’enfouissement des contaminants sous des sédiments propres. Pour prévenir toute perturbation de ceux-ci, on devra peut-être avoir recours à des mesures de contrôle institutionnelles comme les restrictions à la navigation. En présence de sédimentation, on doit aussi envisager un suivi plus serré à la suite de fortes intempéries (inondations, séismes, etc.).
Le recours à la restauration naturelle comporte un autre risque, à savoir la redistribution des contaminants en aval, qui a pour effet d’accroître les risques hors site en même temps que les objectifs d’assainissement sur le site semblent se réaliser. Une surveillance étroite pendant la période d’assainissement aura tôt fait de mettre en évidence ce problème et l’on pourra prendre des moyens pour empêcher la fuite de contaminants.
En fonction des conditions du site et des caractéristiques des contaminants, des produits de dégradation intermédiaires peuvent se former, et les contaminants peuvent être mobilisés. La dégradation de certains contaminants peut entraîner la formation de métabolites parfois plus dangereux que les substances originales. Parmi les substances chimiques qui produisent des métabolites toxiques figurent le mercure métallique, qui se transforme en méthylmercure sous les effets microbiens, différents biphényles polychlorés (BPC), qui servent de matériau isolant dans l’appareillage électrique, le perchloroéthylène (PCE) et le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT).
Il a été démontré que d’autres technologies accroissent l’efficacité de la restauration naturelle et diminuent le temps nécessaire; ce sont notamment les suivantes :
Aucun traitement secondaire n’est requis si les niveaux de réduction des risques sont atteints.
Une documentation décrivant des exemples pratiques de rétablissement naturel est disponible aux adresses suivantes :
La performance de la restauration naturelle et le temps nécessaire varient en fonction du rythme de sédimentation, de la dispersion des contaminants dans les sédiments, de la bioturbation ainsi que des processus de séquestration et de biodégradation des contaminants. Par exemple, la restauration naturelle aboutit plus rapidement dans les milieux de dépôt nets, où les sédiments contaminés sont ensevelis sous une couche de nouveaux sédiments propres. La performance dépend également des technologies conjointement utilisées et des méthodes d’accélération des processus (mise en place d’un recouvrement en couche mince, présence d’ouvrages favorisant la sédimentation, etc.).
La mise en œuvre de la restauration naturelle en tant que processus d’assainissement repose sur une évaluation et une modélisation minutieuses des risques chimiques et propres au site afin d’estimer le délai nécessaire pour un rétablissement naturel sans intervention directe. Un suivi serré durant la période de référence et la période de rétablissement est un facteur crucial dans l’établissement de la faisabilité et la comparaison du modèle aux résultats de la surveillance. Celle-ci doit viser avant tout à confirmer que la source de contamination est contrôlée, à cerner les processus naturels ayant un effet sur les contaminants, à établir les attentes en matière de rétablissement et à confirmer que les processus naturels continuent de réduire le risque au fil du temps comme prévu. Les gestionnaires de site doivent être disposés à modifier leurs prédictions de performance de manière répétitive et à envisager le recours à d’autres technologies si les résultats s’écartent considérablement de leurs prévisions originales. On peut trouver des lignes directrices détaillées sur la mise en œuvre de la restauration naturelle, sur la constitution de sources de données et sur la réalisation de la modélisation prédictive dans ESTCP (2009) et FCSAP (2015).
L’assainissement durable réside dans l’application de techniques et d’approches pour améliorer les avantages environnementaux, sociaux et économiques d’un projet d’assainissement. La restauration naturelle est, de par sa nature, une technologie d’assainissement plus durable qu’un traitement actif. Elle comporte peu d’exigences de transport et d’élimination et n’oblige pas à recourir à une machinerie lourde qui risque de perturber le site. Une activité permanente clé du SRN est le contrôle des conditions du site susceptibles d’avoir un effet sur les processus de SRN (transformation chimique, immobilisation, sédimentation et stabilité, et dispersion). Il faut mettre en place une surveillance permanente pour s’assurer que les rythmes des processus de rétablissement permettront d’atteindre les objectifs fondés sur le risque dans les délais souhaités et que les risques hors site restent acceptables.
Les incidences de la restauration naturelle sur la santé de l’homme et celle de l’environnement sont le fruit de l’exposition à des contaminants que contient déjà le système et qui demeurent en place en même temps que le site s’approche des objectifs d’assainissement. Si l’exposition des personnes dépasse les seuils acceptables, on peut, pour la réduire, combiner la restauration naturelle à d’autres techniques de gestion du risque (par exemple des mesures de contrôle institutionnelles interdisant l’accès au site) ou des technologies de cloisonnement (rétablissement naturel assisté, recouvrement, etc.).
Le recouvrement par une mince couche de sédiments peut modifier la concentration des sédiments qui, à son tour, altérera l’offre d’aliments et de nutriments pour les organismes aquatiques et benthiques. Par la même occasion, la structure des habitats et le recouvrement protecteur peuvent s’en trouver transformés. Ces changements pourraient entraîner une mortalité et compliquer le rétablissement des habitats et des colonies dans le site.
Les effets négatifs du rétablissement naturel assisté peuvent être atténués grâce à une caractérisation exhaustive du site et au déplacement des espèces en danger ou menacées et des habitats connexes. Le recours à des matériaux similaires aux sédiments d’origine favorisera le rétablissement des communautés benthiques et accélérera le retour à l’activité biologique du site. Par ailleurs, l’ajout de débris de grandes dimensions et notamment de rochers procurera un abri aux organismes aquatiques et benthiques et accroîtra la probabilité de survie.
Fiche rédigée par : Bruno Vallée M.Sc, LVM inc.
Dernière mise à jour par : Bruno Vallée, M.SC., LVM inc. and Ashley Hosier, Ing., Collège militaire royal
Date de mise à jour : 2 janvier 2017